Luc 2, 7
Dr. W. Kreiss
Frères et sœurs en Christ, l’Enfant Sauveur,
C’est Noël, aujourd’hui, et Noël est un jour de joie. L’ange dit aux bergers : « Ne craignez point, je vous annonce une bonne nouvelle qui sera pour tout le peuple le sujet d’une grande joie. C’est qu’aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est Christ, le Seigneur. » Le voilà enfin, le Rédempteur promis. Dans la ville de David, comme il se doit, puisqu’il est issu de la dynastie de David et Roi comme lui, et même beaucoup plus encore que lui. Cependant il ne naît pas à Jérusalem, le Versailles de l’époque, mais dans un petit village, à Bethléem Ephrata, petite entre les milliers de Juda, comme le disait le prophète Michée. Jésus naît là où David était né avant d’aller s’installer à Jérusalem. Et pas dans un palais, ni même dans une simple petite maison, mais dans une étable, là où on n’a pas l’habitude de se rendre pour rencontrer un roi et lui rendre hommage, loin des lambris et des ors de Versailles ou de l'Élysée. Si le Samu Social qui sillonne durant les nuits d’hiver les rues de nos grandes villes avait existé à l’époque, il serait intervenu d’urgence pour mettre ce couple et son enfant dans quelque centre d’accueil, à l’abri des intempéries.
« Il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. » On peut comprendre les hôteliers de Bethléem Ils ne savaient pas, eux, que le Messie promis allait naître, que ce serait bientôt Noël, sinon ils auraient sans doute fait un ultime effort pour lui trouver une chambre. Mais pour eux, c’était la haute saison. C’était l’occasion où jamais de faire du chiffre, de faire le plein de clients. Le taux de remplissage des chambres était pour une fois de 100%. Grâce à l’empereur Auguste et son recensement, qui obligeait les habitants de la Palestine à se rendre au lieu de leur naissance pour se faire inscrire et recevoir ensuite leur feuille d’impôt. Les auberges affichaient « complet ». Cet homme, Joseph de Nazareth, et cette femme enceinte et sur le point d’accoucher leur faisaient sans doute de la peine, mais les règles de leur métier ne leur permettaient pas de chasser un client pour libérer une chambre. Alors l’un de ces aubergistes, pris de pitié, les a peut-être autorisés à aller dormir dans l’étable derrière son hôtel, ou leur a indiqué une cabane pour moutons ou chèvres à l’autre bout du village. Personne n’y pouvait rien. On ne fait pas toujours ce qu’on veut quand on exerce ce genre de métier.
« Il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. » Ces hôteliers de Bethléem sont aussi là pour nous rappeler autre chose : il n’y a pas beaucoup de place pour Jésus dans ce bas-monde. Certes, il y avait Esaïe le prophète qui, soupirant d’impatience, disait : « Oh ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais, les montagnes s’ébranleraient devant toi » (Esaïe 63, 19). Il y avait eu ce cri d’impatience de Jacob sur son lit de mort : « J’attends ton salut, ô Éternel » (Genèse 49, 18). Mais la Bible dit aussi du Christ : « La Parole a été faite chair, elle est venue chez les siens et les siens ne l’ont pas reçue » (Jean 1, 10.11). Ces paroles font étrangement écho au texte de notre sermon : « Il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. » Faut-il ajouter ce cri de découragement de Jésus en contemplant Jérusalem : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes petits comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu » (Matthieu 23, 37) ?
« Il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie »
I) Dans ce monde, il y a souvent si peu de place pour Jésus ! II) Y en a-t-il chez nous ?
I) Dans ce monde, il y a souvent si peu de place pour Jésus ! Le ciel de Bethléem devient éblouissant de lumière. Les anges chantent de joie. Oh ! que ce devait être beau. Qu’est-ce que j’aurais aimé entendre cette chorale céleste ! Les bergers se précipitent vers l’étable. Ils ont de la place pour le Christ dans leur cœur, mais tant de gens dans ce monde n’en ont pas. Jésus frappe aujourd’hui encore à bien des portes. Et pas seulement à Noël où l’on voit encore accourir à l’église des gens qui n’y vont pas de toute l’année. Mais savent-ils encore pourquoi ils le font ? Veulent-ils se donner quelque part une bonne conscience, sacrifier à une vieille tradition, ne pas passer pour des païens absolus ? C’est toute l’année que le Christ frappe aux portes parce qu’il veut une place dans le cœur et la vie des gens. Beaucoup se comportent comme s’ils lui ouvraient leur agenda pour lui montrer qu’il n’y a là tout simplement plus de place pour lui. C’est comme s’ils lui disaient : « Tu vois, Jésus, je voudrais bien, crois-moi, mais regarde un peu tout ce que j’ai à faire. Pas un moment de répit ! Je stresse du matin jusqu’au soir. J’ai mes heures de travail, sans compter le temps que je passe sur les routes pour y aller et en revenir. Arrivé à la maison, il y a mon mari ou ma femme et mes enfants qui m’attendent. Je cours à gauche et à droite, et quand j’ai enfin un moment pour souffler, j’ai bien le droit de me reposer un peu ou de me faire un petit plaisir en me livrant à mon passe-temps favori. Tu ne vas pas m’en vouloir pour cela ! Tu as dû connaître cela toi-même. Je suis débordé, avec la meilleure volonté du monde je ne trouve pas de temps pour toi. Reviens me voir dans quelques années. J’aurai peut-être un peu plus de temps quand les enfants ne seront plus là ou que je n’aurai plus à prendre soin de mes vieux parents. » Façon de lui dire : « Sois gentil et compréhensif, Jésus, et repasse plus tard ! » Écho moderne à ces paroles de l'Évangile : « Il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie »…
Alors Jésus passe son chemin, car il ne force jamais une porte. D’ailleurs les portes auxquelles il frappe n’ont pas de poignée à l’extérieur pour les ouvrir. Elles ne s’ouvrent que de l’intérieur. C’est donc aux gens de lui ouvrir leur porte, sinon elle reste fermée pour le Christ. Le Seigneur ne se comporte jamais en squatter. Il ne s’incruste nulle part. Il poursuit son chemin quand il a frappé, résolument frappé à une porte, et va voir ailleurs. Joseph et Marie auraient eu un besoin urgent d’une chambre, au moins d’un toit pour être à l’abri du vent et de la pluie, Jésus, lui, n’a pas besoin de nous. S’il frappe aux portes, ce n’est pas parce qu’il quémande un abri, c’est parce que les hommes, ses frères et sœurs, ont besoin de lui, terriblement besoin de lui.
Marie et Joseph ont trouvé refuge dans une cabane pour chèvres ou moutons. Quelqu’un, voyant que Marie allait sans doute accoucher sous peu, a peut-être eu pitié d’eux et leur a prêté cet abri de fortune. Notre texte ne dit pas tout. Il y a des choses que nous ne savons pas. Ainsi nous ne savons pas si l’homme qui leur a prêté son étable s’est rendu compte à qui il avait affaire. Il a dû en tout cas se poser des questions quand il a vu, au milieu de la nuit, arriver des bergers brandissant des lanternes pour trouver leur chemin et se prosterner devant la crèche. Puis ces points d’interrogation ont dû devenir des points d’exclamation dans sa tête quand, quelques jours plus tard, des messieurs habillés par de grands couturiers et portant à dos de cheval ou de dromadaire des coffrets et des vases de luxe sont venus rendre visite à l’enfant nouveau-né. Nous n’en sommes pas sûrs, mais il est permis d’imaginer que ce brave habitant de Bethléem a sans doute eu un peu honte de ne pas avoir offert à cet enfant autre chose qu’une minable baraque.
Mais c’est vrai, au départ on ne pouvait pas savoir qui était cet enfant. Nous le savons, par contre. Nous le savons aussi bien que les bergers de Bethléem, et sans doute encore bien mieux qu’eux. Nous savons qu’il nous est né un Sauveur qui est Christ, le Seigneur. Nous savons qu’il est venu pour nous : « Un enfant nous est né, un fils nous est donné », avait annoncé le prophète. Nous savons que Dieu a tenu parole, qu’il a accompli ses promesses. Et nous savons un tas de choses que les bergers, à cette époque-là en tout cas, ne pouvaient pas savoir. Nous savons ce que Jésus-Christ a dit et fait en Galilée et en Judée, car nous avons quatre évangiles pour nous le raconter.
Un médecin n’est pas là pour ceux qui ont la chance d’être en bonne santé, mais pour les malades. Jésus est venu guérir non pas des justes, mais des pécheurs. Alors c’est sûr, si nous nous prenons pour des justes ou des presque-justes, nous n’avons pas besoin de lui. Mais si nous reconnaissons que notre justice est comme un vêtement souillé, si nous savons dire à Dieu avec le psalmiste : « N’entre pas en jugement avec ton serviteur, car devant toi aucun vivant n’est juste », avec le publicain : « Aie pitié de moi, pauvre pécheur », avec le centenier : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement un mot », ou avec le larron : « Souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton règne », si nous savons qu’il est venu non pas pour se faire servir, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour les hommes, qu’il est venu s’offrir en sacrifice pour nos fautes et qu’il agonise sur la croix en ployant sous le fardeau de nos péchés, si nous savons qu’il n’y a de salut qu’en lui, qu’il est venu nous apporter le pardon et, avec le pardon, une paix que le monde ne peut pas nous donner, alors nous connaissons celui qui frappe à notre porte : c’est Christ, le Seigneur ! Il est venu dans ce monde et s’est fait notre frère ; il est mort, ressuscité et remonté au ciel et est devenu notre Sauveur. Maintenant il veut habiter chez nous. Ce sont là des choses que d’innombrables gens pourraient savoir. Il suffit pour cela de lire la Bible. Et pourtant ils sont bien rares, ceux qui savent encore ce que signifie Noël, qui ont dans leur cœur et leur vie une place, une vraie place pour Jésus.
II) « Il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. » Y en a-t-il chez nous ? Se pourrait-il que nous non plus n’ayons pas de place ou que peu de place pour lui ? Et pas beaucoup de temps ? Que nous le remisions dans un recoin de notre vie, pas trop loin, mais quand même un peu à l’écart, pour qu’il ne nous dérange pas de trop dans nos habitudes et qu’il ne chamboule pas notre programme et notre façon de planifier nos activités ?
Les aubergistes de Bethléem ne savaient pas ce qu’ils faisaient à l’époque, en disant à Joseph et Marie : « Désolé, nous n’avons plus de place. Nous affichons complet. » Et ils ne pouvaient pas le savoir. Mais nous qui avons tant de fois lu les évangiles, nous le savons. Alors je veux espérer que tous, autant que nous sommes, nous accueillons Jésus avec joie et tenons à lui réserver une grande place dans notre vie. Nous n’aurions pas l’excuse des hôteliers de Bethléem
J’ai cette certitude que si vous êtes là aujourd’hui, dans ce culte, et si je vous revois régulièrement quand je viens prêcher, c’est parce qu’il y a de la place dans vos cœurs pour Christ, le Seigneur. Mais je sais aussi que tout le monde n’est pas là, et pas seulement parce qu’il y a des malades parmi nous ou des gens qui habitent au loin. Je sais aussi que vous ne venez pas par habitude, parce qu’il le faudrait, pour avoir une bonne conscience ou faire plaisir au pasteur ou à votre famille. Je sais qu’on peut dire de vous comme des bergers : « Ils s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu. » Mais je pense aussi que nous pourrions tous, à commencer par moi, faire encore plus de place à celui qui est venu nous bénir et nous sauver, que nous pourrions lui confier encore davantage notre vie et celle de nos enfants et petits-enfants. Je pense que nous pourrions tous dépoussiérer un peu ici et là et faire du rangement dans nos cœurs et dans notre quotidien pour le laisser agir encore davantage en nous, sachant qu’il ne vient pas pour nous rendre la vie plus contraignante ou pour nous compliquer l’existence, mais au contraire pour nous faire vivre davantage encore dans l’éclat de son Évangile, dans la lumière de son salut.
Et nous n’avons pas besoin pour cela de tout jeter par-dessus bord, de confier à la déchetterie des choses qui nous sont chères, simplement pour lui faire de la place. Nous avons juste besoin de trouver les bonnes priorités, peut-être aussi de les réajuster un peu de temps en temps, car si le Christ avait bien sa place dans une étable à Noël, du fait que Dieu en avait décidé ainsi, il ne veut plus maintenant de logement aussi misérable. Il ne veut plus qu’on l’envoie dans une étable, dans un coin fourre-tout, ou qu’on l’enferme dans quelque réduit, au fond d’une cave. Donnons-lui dans notre vie la place qui lui revient, celle à laquelle il a véritablement droit quand on sait ce qu’il vient nous apporter, les cadeaux qu’il veut nous faire. Faisons-le non seulement pour lui, car il en est digne, mais aussi pour nous, sachant combien nous en avons besoin, combien il est important que nous ayons le Christ à nos côtés. Quand nous allons au travail, que nous sommes à table, que nous passons des moments d’intimité avec notre femme ou nos enfants, quand nous nous réunissons avec notre paroisse, cherchant à en être des membres vivants et utiles. Nous avons besoin du Christ Sauveur pour vivre, vivre pleinement, avec ces trésors de pardon et de paix que le monde ne peut pas nous offrir, et un jour pour mourir, mourir en sachant où nous allons et en sachant combien cet endroit est beau, merveilleusement beau.
Pensez aux hôteliers de Bethléem, quand le Christ frappe à votre porte. Il veut entrer chez vous chaque fois que vous êtes invité à venir l’adorer, chaque fois que vous venez ici vous asseoir à votre place habituelle, chaque fois que la Bible et votre carnet de méditations attendent que vous les ouvriez, le matin ou le soir, chaque fois que vous vous sentez tenté de dire : « Je n’ai vraiment pas le temps aujourd’hui. » Ne le laissez pas devant la porte, ne le renvoyez pas à vide. C’est votre Sauveur, votre Rédempteur et votre Roi qui veut entrer chez vous. « Entre le bœuf et l’âne gris. » Jésus a vécu ça une fois. Et une fois suffit ! Il a vraiment droit à autre chose. Il veut nous voir assis sous la chaire pour entendre son Évangile. Il veut nous voir alignés autour de l’autel pour recevoir son corps et son sang donné et répandu pour notre pardon. Il veut nous voir une Bible à la main. Il veut voir nos mains jointes, car tout cela lui permet de savoir qu’il est le bienvenu chez nous, que nous lui réservons une grande place, celle qui revient au Roi qu’il est.
Tout se décide devant la crèche où le Fils de Dieu s’est fait si petit qu’il a accepté de goûter au dénuement d’une mangeoire et aux odeurs d’une étable. Tout se décide ici : As-tu ou non trouvé ou retrouvé le chemin vers ton Créateur ? Sais-tu où et avec qui tu passeras un jour l’éternité ? As-tu su trouver dans cette vie un avant-goût du ciel ou ton existence est-elle vide et dénuée de tout sens ? As-tu fait l’expérience du véritable amour, l’amour de ton Dieu, un amour qui ne recule devant rien, mais sait renoncer à tout pour te rendre heureux ? Tout se décide devant la crèche de Bethléem
« Il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. » Cette phrase nous fait sans doute aussi penser à ceux dans nos familles ou notre entourage qui ne savent plus ouvrir leur porte à Jésus. Et nous en souffrons, parfois beaucoup. Que faire pour eux, surtout en ce temps de Noël ? Peut-être tout simplement ce qu’ont fait les bergers dont la Bible nous dit : « Ils trouvèrent Marie et Joseph et le petit enfant emmailloté et couché dans la crèche. Après l’avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été dit au sujet de ce petit enfant. » Ils ont parlé, témoigné, confessé. Puissions-nous le faire aussi, et d’une manière engageante, chaleureuse et rayonnante, avec dans le cœur la joie et l’enthousiasme des bergers qui louaient et glorifiaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu.
Et puis, si le témoignage devait s’avérer trop difficile, voire impossible, il nous restera toujours une chose que personne ne pourra nous prendre : élever vers le Seigneur des mains pures et sincères et l’implorer, pour qu’il fasse ce qu’il avait fait un jour pour Lydie, la marchande de pourpre dont la Bible nous dit que Dieu lui ouvrit le cœur pour qu’elle accueille sa Parole. Demandons-lui d’ouvrir des cœurs qui pour l’instant lui sont fermés, pour qu’ils aient à nouveau envie d’entendre l'Évangile et que la lumière du salut se mette à briller sur leur chemin. Ne l’oublions pas : aujourd’hui il nous est né un Sauveur, qui est Christ, le Seigneur. Et disons-lui avec le poète :
Devant ta crèche tu me vois, Penché sur ton visage. Tout ce que j’ai, je te le dois, Je veux t’en faire hommage. Prends-moi tout entier, prends mon cœur. A toi, Jésus, divin Sauveur, J’appartiens sans partage. Amen.